Blog pour toutes et tous relatant les événements sur la vie du village de Lesdins

vendredi 18 mars 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 6


En quelques semaines cet immense bivouac sur les hauteurs du Tronquoy fait de volontaires, de prisonniers et de condamnés de droit commun qui en profitaient la nuit pour faire des incursions dans le village semant crainte et peur, c'est là, la réputation du petit Lesdins faite de trafic, d'arrangements inavouables et même de débauche. Pourtant pendant cette courte période s'installa une prospérité que les plus doués pour le commerce ne manquèrent pas de saisir.

Chaque jour pour nourrir cette population, l'intendant en chef des travaux parcourait le village pour s'approvisionner de fruits, de légumes, de viande de basse-cour et de pain. Cet ainsi que naquit la première boulangerie, le premier commerce dit d'épicerie, le premier boucher. Quant aux bistrots ils étaient là depuis déjà bien longtemps.
Nous sommes en Avril, le percement du souterrain s'achève. La veille, les deux équipes se sont rejointes au centre de l'ouvrage. Le campement va être levé. Seule une équipe restreinte reste pour achever définitivement la voie d'eau.
Par cette belle journée de printemps, notre maîtresse Madame Mercier nous annonce que nous n'aurons pas classe, que nous allons parcourir les chemins, les champs et les bois pour y cueillir les plus beaux spécimens de fleurs sauvages coquelicots, marguerites, bleuets et boutons d'or.
C'est plein d'enthousiasme que la classe se met en route pour accomplir cette tâche. Une halte est prévue à l'ombre, au bois de la Hyère. Ce petit massif forestier porte le nom de son propriétaire, le vicomte Charles Edouard Dubois de la Hyère, châtelain de la commune depuis cinq générations.
A midi, nous avons la surprise d'être attendu par le garde champêtre monsieur Lalou et Victoria la cuisinière des écoles. Sur un grand drap blanc, des terrines, de belles miches de pain, du fromage, des oranges, des tartes. Je reconnais celles de ma grand-mère, Hortensia. Mais pour nous, les enfants, ce qui nous fait saliver le plus c'est la boisson. Aucun d'entre nous n'a encore jamais bu ce rafraîchissement sucré et pétillant, (hormis les enfants du village voisin de Remaucourt), inventé il y a peu par le brasseur de cette commune et baptisé "le glouglou" (la limonade). 
Dans nos petites têtes d'enfant,  nous sommes intrigués par tant d'attention depuis le début de la journée. Il n'y a pas de fêtes populaires, pas de procession, alors pourquoi toutes ces bonnes choses.
De retour en classe avec des brassées de fleurs que nous déposons au pied du bureau de la maîtresse, celle-ci d'une façon solennelle nous annonce que demain 10 Avril 1810 aura lieu l'inauguration du souterrain par l'empereur Napoléon 1er et que notre classe a été choisie pour l'accueillir et lui remettre un énorme bouquet de fleurs.
Une main se lève, question 
- maîtresse qui va remettre le bouquet ?
- l'une d'entre vous, vous allez voter pour choisir. S'il y a égalité, ma voix comptera double pour départager. Inscrivez le nom et prénom de votre choix.
La maîtresse se prépare à annoncer l'heureuse élue. La tension est à son comble. Le silence est pesant.
Madame Mercier fait les comptes. Comme pour prolonger le suspens, elle prend une craie neuve, décide d'inscrire au tableau et commence par le prénom.  C'est celui de Léontine qui sort. Nous sommes deux ... ! La maîtresse se retourne vers nous avant d'écrire le nom. Je n'en peux plus ..... puis c'est mon nom de famille qui s'inscrit. C'est donc moi qui remettrais le bouquet de fleurs à l'empereur.