Blog pour toutes et tous relatant les événements sur la vie du village de Lesdins

mardi 12 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n°13

La triste fin du garde chasse a semé le doute parmi les ménages du grand Lesdins. Autour de la table, dès que l'on aborde le petit Lesdins et sa voie d'eau, tout le monde se chamaille. Le boiteux qui n'était pas à l'enterrement continue à fréquenter, comme ci de rien n'était, le café de la marine et ses poulettes. Actuellement sa préférée c'est Lulu, une blonde pulpeuse aux formes avantageuses. 
Dans l'estaminet enfumé, on fait aussi des affaires. C'est comme ça que le boiteux est devenu marchand de charbon. 
Equipé d'un cheval attelé à un tombereau, il achète aux mariniers puis revend aux particuliers. Plus facile que le bois, le nouveau combustible fait fureur. Cet hiver, la demande est si forte qu'il acquiert de nouveaux chevaux, embauche charretiers et journaliers pour charger et décharger. Les livraisons n'arrêtent pas. Le boiteux est devenu un homme riche. Il gère son entreprise et signe ses contrats au café de la marine où il a sa table réservée.
Ce soir il a le sourire car il vient de signer avec le marinier Charlemagne, un gros contrat d'approvisionnement en charbon. Pour fêter ça il offre une tournée générale et demande aux poulettes de faire le spectacle. Elles créent une ambiance à faire damner tous les saints de la terre. Les nombreux clients en oublient de rentrer chez eux, finissent la nuit à la belle étoile. Au petit matin le garde champêtre n'en revient pas. Il découvre des hommes titubants, ivres par la consommation abusive d'absinthe. 
Pour le boiteux la fête ne durera pas longtemps. Ne pas respecter sa signature va lui coûter cher.
A la mairie, c'est l'inquiétude. Le premier magistrat vient d'apprendre la noyade de trois jeunes enfants du village voisin. Pour éviter un drame semblable et trouver une solution, sur le champ, il décide de réunir autour de son conseil, l'institutrice, le maître d'école, le garde champêtre, le curé, le père Miclou, le sage de la commune admiré par tous depuis qu'ils ont vu Napoléon lui remettre la légion d'honneur au revers de son veston. Il était présent lorsque le bourreau a montré la tête du roi de France au peuple (Louis XVI). Il a participé à deux campagnes napoléoniennes.
Miclou était un surnom dont l'ont affublé ses compagnons charpentiers. Il a fait son apprentissage à Paris chez son oncle, rue de la ferronnerie. Le diplôme en main, les apprentis organisent une grande fête, avec pour les charpentiers, une compétition. Enfoncer jusqu'à la tête, d'un seul coup de marteau, un grand clou de charpente. Quand un apprenti réussit cet exploit, tout le monde reprend en choeur :
   " ... il est des nô...ô...tres ..."
Le petit Michoux, (c'est son vrai nom) n'y parvint pas, même après trois essais. Le clou n'est planté qu' à moitié. Ses compagnons d'apprentissage entonnent 
 -  mi-clou, mi-clou, mi-clou .....  ce surnom lui restera.
A la mairie, après le tour de table, il est décidé que pour dissuader les jeunes enfants de se rendre au petit Lesdins sur le bord du canal, c'est le père Miclou qui a été choisi pour leur raconter, non pas l'histoire de "barbe bleu" ni "la peur du loup garou" mais de leur parler de la forêt des monstrosiaskis (en français la forêt des monstres), qu'il a dû traverser lors d'une campagne napoléonienne.