Blog pour toutes et tous relatant les événements sur la vie du village de Lesdins

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mardi 24 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Dernier Episode :

Sous l'oeil de madame Polka et de sa fille Adèle, Gilles de Rouet, l'expert, fait l'inventaire des antiquités susceptibles d'être choisies pour la vente aux enchères lors de l'émission télé présentée par Jean-Pierre Penneau, "un pactole dans ma maison".
En bon professionnel, De Rouet remarque immédiatement la broderie sur le coussin et l'ornementation sur le fourreau qui renferme le sabre. Ceux sont les emblèmes de la maison impériale.
Il pose la question à madame Polka :
-  connaissez-vous l'origine  de ces deux objets .... ?
- ils ont toujours appartenu à ma famille. L'histoire remonte à l'inauguration du souterrain. Ma trisaïeule, Léontine, avait été choisie avec le fils du vicomte Pierre-Marie pour accueillir l'empereur. En souvenir de ce jour mémorable, Napoléon offrit en cadeau le coussin à Léontine et le sabre à Pierre-Marie. Plus tard, une idylle est née entre Léontine et Pierre-Marie. Le vicomte Charles-Edouard n'apprécia guère que son fils unique ait une relation avec une fille du village. Aussi il fit tout pour l'éloigner de Lesdins et avec la complicité de son ami le général Bugeaud, le jeune homme promu officier, reçut pour première affectation l'Algérie. Avant son départ, une dernière rencontre organisée par Hippolyte, en secret, eut lieu entre Léontine et Pierre-Marie, qui, pour lui prouver son attachement, lui confia la garde de son sabre jusqu'à son retour. Malheureusement le sort en décida autrement. Pierre-Marie fut tué à la bataille d'Alger. Après avoir appris la nouvelle, le vicomte, désespéré, pris de remords, mourut quelques semaines plus tard. La vicomtesse sombra dans la folie pour finir ses jours dans un établissement de santé mental à Prémontré. Le château, à l'abandon, fut rasé par les Prussiens pendant la guerre de 1870.


P.S.  L'émission eut un grand succès. La vente aux enchères couvrit largement les frais du voyage qu'Adèle souhaitait faire en Amérique.



Fin





vendredi 20 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 24

Quand débarquent à Lesdins l'animateur Jean-Pierre Penneau accompagné de Gilles De Rouet antiquaire et expert renommé pour préparer leur émission de télé  "j'ai un pactole dans ma maison", la rue principale est déserte.
Les deux hommes ne sont jamais venus en Picardie, encore moins à Lesdins.
Gilles fait remarquer que la petite bourgade a obtenu les "cinq marguerites" des villages les plus fleuris de Picardie. Les deux parigots commencent par une pause à l'estaminet du centre, chez "mimile" pour les résidents. Dès leur entrée, ils sont dévisagés des pieds à la tête par les jeunes qui jouent au baby-foot.  Les piliers de bistrot, accoudés au comptoir, un ballon de rouge à la main,  les observent de haut en bas. Aux tables, les anciens continuent leur partie de belote, ils en ont vu d'autres. Les deux parisiens commandent un café qu'ils boiront debout au zinc.
Penneau et De Rouet observent au fond de la salle les joueurs de flèchettes pendant que le jukebox crache de la musique à fond la caisse. Mais leur attention est retenue par les lanceurs de pièces sur un carré de plomb. Jean-Pierre Penneau se risque
A mimile, le tenancier :
- à quoi ils jouent, là-bas ? ......;
Mimile :
- Eh bien, c'est un carré de plomb de 45 sur  45 - poids 25 kg, ça se pratique comme le jeu de boules. Le premier joueur lance la petite pièce, puis les autres participants, avec trois écus chacun, doivent s'en approcher le plus près possible pour gagner la partie. A Paris, vous ne pouvez pas connaître c' truc là.... ici un' appelle ch' à ,  l' jeu d'écus.
Jean-Pierre à Mimile :
- on doit se rendre chez Mme Polka ........... vous la connaissez ? .......
Mimile :
- Au p'tit ou au grand Lesdins ?.....
Jean-Pierre :
- pourquoi ? il y a plusieurs Lesdins et plusieurs madame Polka ? ......
Mimile :
- si vous voulez savoir, des familles Polka il y en a trois ....  une au petit Lesdins, une au grand Lesdins, une au hameau du Tronquoy qui fait parti de la commune. Quant au village, il n'y en a qu'un ... mais on l'a divisé en deux ...  le petit et le grand Lesdins.
Jean-Pierre Penneau :
- mais pourquoi l'avoir divisé en deux ?  .....
Mimile :
- parce que les gens du petit Lesdins et du grand Lesdins se bouffent le nez ... !
Jean-Pierre à Gilles :
- Eh bien on va s'amuser. Comme dit ma grand-mère, une vache n'y reconnaîtrait pas son veau.
Mimile :
- vous prendrez bien un pousse café ? .....
Les deux hommes en même temps :
- quoi ! .....


mardi 17 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 23

Le vicomte Charles-Edouard nourrit de grandes ambitions pour son fils. En plus de sa carrière militaire, il tient à ce qu'il soit formé à la direction d'un grand domaine comme celui de Lesdins. Aussi, chaque premier jeudi du mois, Pierre-Marie a la charge de rencontrer les différents métayers au service du vicomte avec pour mission de superviser le travail bien fait (l'entretien des bois, des chemins et des clôtures) et de la bonne santé du bétail. 
Après avoir remis le pli à Léontine, Hippolyte profite de cette tournée pour arranger la rencontre que Pierre-Marie souhaitait avec Léontine
Les deux hommes quittent le château par le chemin qui mène à la source. Sous les frondaisons Léontine attend discrètement le passage de la petite berline. Quand celle-ci arrive à sa hauteur, la porte s'ouvre. Elle s'engouffre discrètement dans l'espace exigu, s'assoit au côté de Pierre-Marie qui tire les rideaux pour plus d'intimité.
Hippolyte ne révéla jamais le secret de leur rencontre. Pourtant lorsqu'une lettre anonyme arrive au château, le vicomte et la vicomtesse tombent des nues. Ils ne peuvent concevoir que leur fils Pierre-Marie ait une idylle avec une fille du village et pour l'éloigner, Charles-Edouard écrit immédiatement un courrier à son ami le général Bugeaud pour solliciter auprès de lui une affectation pour son fils.
Bugeaud a compris. Pour son ami d'enfance, il fait envoyer par son ordonnance un ordre à Pierre-Marie lui intimant de se rendre à Marseille pour prendre le premier bateau en partance pour l'Algérie afin de se mettre sous les ordres du général De Bourmond qui prépare la bataille d'Alger afin de pacifier le pays. Pierre-Marie est très fier de sa première affectation d'officier, aussi s'empresse-t-il de le faire savoir à Léontine par l'intermédiaire du fidèle Hippolyte. Celui-ci organise secrètement une dernière rencontre avant le départ.
Pierre-Marie en profite pour confier à Léontine le sabre qu'il aimait tant, celui-là même que l'empereur lui avait offert.
Ainsi les deux objets, le sabre et le coussin, seront-ils réunis comme au jour de l'inauguration du souterrain où Pierre-Marie et Léontine se sont rencontrés pour la première fois.

vendredi 13 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 22

Le voyage va durer deux bonnes journées pour parcourir les 80 km qui séparent Lesdins de la capitale régionale Amiens. Hippolyte, le cocher, prépare le trajet avec soin. Deux haltes sont prévues pour se restaurer et dormir :  une à l'auberge du cygne blanc, l'autre au relais du grand cerf où le châtelain a ses habitudes.
Avant le départ, Hippolyte inspecte les sabots de ses deux chevaux qui seront attelés à la berline, l'intérieur aménagé de gros coussins pour le confort de Monsieur et Madame. C'est "Bijou" et "Bichette", deux robustes percherons qui composeront l'attelage.
La vicomtesse s'affaire à préparer les malles sous l'oeil vigilent de Charles-Edouard. Pour rien au monde il ne manquerait ce voyage qui les mènera à la cérémonie de remise des insignes d'officier de leur fils unique Pierre-Marie. Charles-Edouard se réjouit à double titre. C'est son ami d'enfance, le général Bugeaud qui présidera la cérémonie.
Dans la cour d'honneur, les aspirants en grande tenue, bicorne sur la tête, veste et pantalon ajustés, gants blancs et chaussures astiquées, défilent au pas sous les ordres de leur instructeur avant de s'arrêter face à l'estrade où le général Bugeaud, entouré de ses deux aides de camp, va leur remettre à tour de rôle les épaulettes et le sabre d'apparat qui feront d'eux des officiers à part entière. A cet instant le vicomte et la vicomtesse sont fiers de leur fils. 
Bugeaud dans une brève allocution rappelle aux jeunes promus leur engagement pour le pays, parfois jusqu'au sacrifice suprême.
Au banquet qui suit, Charles-Edouard retrouve son fils qu'il présente à son ami d'enfance Bugeaud. Après les présentations, Pierre-Marie s'éclipse pour rejoindre ses compagnons de promotion et en profite pour faire un détour sous la tente des cochers.  Discrètement il remet à Hippolyte un pli à transmettre à Léontine. 

mardi 10 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode N° 21

Depuis l'inauguration du souterrain, hormis le dimanche à l'église, les occasions sont rares d'apercevoir Pierre-Marie. Il poursuit sa scolarité dans une institution privée. C'est par l'ami de mes parents, Hippolyte le cocher, que j'apprends qu'il se destine à une carrière militaire, comme son père et son grand-père avant lui.
J'ai aujourd'hui 18 ans et j'accompagne mes parents à la traditionnelle fête des moissons, dans la cour d'honneur du château. Parmi la foule, je ne suis pas surprise d'apercevoir Pierre-Marie. Il paraît encore plus grand dans sa tenue d'officier aspirant. A cet instant, j'ai le sentiment de vivre dans un autre monde que le sien. Tant de choses nous séparent, tant de choses nous éloignent et pourtant j'ai la surprise de le voir se diriger vers moi, deux verres à la main. Cette fois dans les coupes ce n'est pas de la limonade pétillante que nous aimions tant tous les deux, mais du champagne aux bulles mystérieuses.
Comme pour répéter la scène de notre enfance, il me dit :
- tiens les deux coupes .... , je pars chercher des boudoirs rosés et des sablés ... nous allons trinquer à notre souvenir commun, au coussin et au sabre que nous avons reçus de l'empereur.
Léontine :
- j'ai toujours le coussin à la maison ...
Pierre-Marie :
- et moi le sabre...... il est dans la salle d'armes parmi notre collection familiale. J'ai réussi mes examens et bientôt je vais être nommé officier.... je recevrais prochainement mes galons et mon sabre d'apparat dans la cour d'honneur de la caserne.
En bon chevalier, avant de prendre congé, Pierre-Marie m'adresse mille compliments et termine
- je te donnerais des nouvelles par l'intermédiaire d'Hippolyte le cocher.




vendredi 6 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 20

Pendant que Fernande, la gouvernante, cuisine les garennes offerts par le braconnier Gazon, le chanoine est dans ses pensées divines pour préparer son sermon de la grand messe qui clôture la fin des moissons. A l'entrée des fermes, pour marquer l'événement, les portes cochères sont décorées d'une gerbe de blé prélevée dans la dernière charrette. La récolte finie, les granges pleines, dans le village de Lesdins il y a comme un air de fête. Tout le monde du travail agricole se prépare à cette tradition qui rassemble dans chaque cour l'ensemble des travailleurs autour d'un grand banquet. Nous les enfants, bien que ce soit la fin des vacances qui s'annonce, nous attendons ce grand festin avec impatience et gourmandise.
Pour garnir les buffets de terrines, de ragoûts et desserts, toutes les femmes sont mises à contribution. Ma mère et ma grand-mère s'occupent des tartes aux fruits. Mes préférées, celles aux prunes du jardin de mon grand-père.  D'autres familles confectionnent des sablés et des gâteaux de Savoie. Toutes ces pâtisseries sont cuites dans le grand four communal. Autour, l'espace est envahi d'une bonne odeur de cuisson.
Le châtelain et la châtelaine n'échappent pas à cette coutume. Le repas a lieu dans la cour centrale du château. C'est le seul jour où tout le monde est réuni à la même table (le vicomte, le cocher, les métayers, les charretiers, les ouvriers, les journaliers, etc...).  Pour nous les enfants c'est un jour de récréation inoubliable. Nous pouvons courir de ferme en ferme, se servir et goûter à notre guise à toutes ces bonnes choses confectionnées. Moi Léontine, avec mes copines, nous faisons le tour de tous les buffets pour picorer.  
Au presbytère, quand Fernande se met à crier :
-  chanoine à table...  le civet est prêt   ...!
celui-ci interrompt volontiers ses divines pensées, pour courir mettre les pieds sous la table tellement la maison embaume du plat mijoté par Fernande. Il en oublie ses compromissions de la veille avec le braconnier.
Mais au château, mon rêve secret est d'y rencontrer Pierre-Marie, le fils du vicomte avec qui j'ai participé à l'inauguration du souterrain.

mardi 3 mai 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 19

Avec cette voie d'eau et son souterrain, le chanoine a la certitude que cet endroit maudit qu'est devenu le petit Lesdins est d'origine divine, ainsi que sa mauvaise chute qui l'a cloué pendant 2 semaines au presbytère. Tout cela n'est qu' une punition du créateur pour ne pas avoir béni l'ouvrage. Aussi est-il décidé, envers et contre tous, à réparer cette faute.
L'homme d'église avec l'aide de Firmin son sacristain, peaufinent l'opération qu'il va mener, à la nuit tombée, pour aller mettre sous la protection de dieu, le canal.
Firmin a pour tâche de préparer en catimini l'itinéraire qui les mènera à travers bois et dans la plus grande discrétion au souterrain. Il est aussi chargé de préparer les ornements sacrés (chasuble, étole, eau bénite et goupillon).
Dans la pénombre, les deux hommes s'aventurent et rejoignent sans encombre l'endroit même où s'est déroulée l'inauguration du grand chantier par l'empereur. C'est dans le secret que le chanoine, aidé du sacristain, prononce la bénédiction, goupillon à la main, arrosant copieusement d'eau bénite les lieux pour chasser les malédictions, les maudits et les esprits du mal.
La cérémonie terminée, ils se glissent dans la nuit légèrement éclairée et reprennent le chemin du presbytère.
Soudain ils sont interpellés
-  Hep .... vous là ...
Dans la pénombre, ils se figent sur place.
- Hep ..... vous là.... , je vous ai vus......
A sa voix, Firmin l'a déjà identifié. L'homme qui surgit des fourrés n'est autre que Gazon, le braconnier. Il est en train de relever ses collets sur les terres du vicomte Charles-Edouard Dubois de la Hyère. Autour de sa ceinture, il a déjà trois ou quatre garennes qu'au petit matin il entend bien vendre au village.
Gazon promet de ne rien dire de l'escapade du chanoine et de son sacristain qu'à condition qu'ils fassent de même envers lui, vis à vis du châtelain. Avant de laisser le braconnier à sa tâche, le chanoine accepte les garennes proposés par Gazon.
Pour l'homme d'église, la bénédiction mérite bien un mensonge, un péché véniel, que dieu lui pardonnera bien volontiers.

vendredi 29 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 18

Le chantage d'Albéric oblige le chanoine, sur son lit de douleur, à accepter les conditions posées par le rebouteux, à savoir  lui verser la quête du dimanche de la fête de la moisson.
Albéric ne boude pas son plaisir et commence par donner ses ordres.
- Fernande, fais-moi chauffer un chaudron d'eau ...
Puis il se tourne vers papa :
- j'aurais b'soin de ta ceinture de flanelle ... !
Papa s'exécute et dénoue l'étoffe qui lui sert à maintenir ses reins.
Le rebouteux trempe le bout des doigts dans le chaudron
- c'est peut-être un peu chaud ...  mais ça ira.
Il y jette une poignée de racines, puis la ceinture de flanelle. A présent, se penchant vers le prélat dont le visage est blême, il lui dit
- maintenant j'vais m'occuper du genou ... et lâches moi cette statue d' sainte vierge.
Albéric sort de sa musette son bâton anti-douleur (du frêne), l'insère entre les dents du chanoine.
Papa et Robert sont chargés d'immobiliser l'homme d'église, pesant chacun de tout son poids sur les épaules du prélat.
Albéric
- tout le monde est prêt ..... ?    attention .....!
D'un geste aussi rapide que précis, il remet le genou en place. Le blessé n'a rien senti.
Le rebouteux se retourne vers Ernestine et Fernande
- prenez la ceinture de flanelle et saucissonnez le genou du chanoine.
Ma grand-mère sort son épingle à nourrice pour fixer définitivement le bandage.
Le chanoine
- mais c'est trop chaud ..!
Albéric
- arrêtes d' faire ta nunuche, c'est grâce à l' chaleur que les racines de nénuphars agissent sur tes tendons. Il te faut résister jusqu'à complet refroidissement. Si c'est trop chaud, appelles à l'aide el' sainte vierge .....
Avant de quitter la pièce, le rebouteux prescrit pendant quinze jours un cataplasme de racines de nénuphars.
Pendant la convalescence du chanoine, au petit Lesdins les drames se succèdent. Plusieurs noyades, deux suicides et un meurtre. Pour le prélat, pas de doute. L'origine de toutes ces malédictions, c'est une punition divine qui remonte à l'inauguration du souterrain lorsque l'empereur Napoléon 1er avait refusé que le canal et le souterrain soient bénis.

mardi 26 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 17

Après ce repas dominical bien arrosé, le chanoine a du mal à mettre un pied devant l'autre sans tituber. Sa servante Fernande prend le prélat par le bras. Celui-ci refuse catégoriquement et prétend gravir seul les quelques marches qui mènent à sa chambre.
A mi-parcours il perd l'équilibre et se retrouve au sol, l'aumusse et la soutane déchirées. Sur les tomettes froides du presbytère, l'homme d'église est allongé, grimaçant, sans pouvoir se relever. C'est chez papa et maman que Fernande se précipite, nous sommes ses proches voisins.
Papa et mon grand frère Robert emboîtent le pas de la servante pour porter secours au pauvre ecclésiastique. Pendant ce temps, maman me demande d'alerter grand-mère. C'est un peu la référence dans le village pour les gros "bobos".
Devant le chanoine qui sans cesse en appelle au seigneur pour apaiser sa douleur, ma grand-mère soulève la soutane et s'écrie :
- eh ben .... le genou est drôlement enflé ... !
Elle l'entoure de ses mains chaudes.
- ce n'est pas une simple entorse .... votre genou est déboîté...  je suis impuissante ... seul Albéric Marcellin, le rebouteux du patelin, pourra vous soulager en remettant votre rotule en place. Ce n'est pas un croyant, plutôt un infidèle, mais je connais Albéric depuis mon enfance. Il soulage même les animaux de la ferme. C'est sa grand-mère qui lui a transmis ce don. C'est un marginal. Tout le monde l'appelle le grand roux par rapport à sa chevelure et à ses tâches de rousseur,  le dos voûté pour avoir grandi trop vite, mais faites moi confiance chanoine, je vais le faire venir et il vous remettra vite  sur pieds. Il faudra boucher vos oreilles car son langage est digne de tous les charretiers de la terre.
Quand le grand roux arrive dans la pièce où le chanoine est toujours gémissant, il y a là mon père, mon frère Robert, Fernande la servante, plus ma grand-mère Ernestine.
Le rebouteux se poste aux pieds du lit. Fernande fait apparaître le genou meurtri. De ses yeux ronds, il fixe la blessure sans dire un mot. Le temps semble s'être arrêté. Les secondes durent une éternité. Mon père se risque à rompre le silence
- Albéric, qu'est-ce-que t' en penses ...?
- laisse-moi réfléchir ....!
- mais ça fait déjà une demie heure que tu n'as rien dit, rien fait ...!
- j'ai b'soin de me concentrer, c'est l' première fois que j'vais mettre un curé sur pattes... ..  Mille bon dieu, bon dieu ..... il s'est drôlement arrangé, il a l' rotule à l' verticale.
Le prélat, le visage pâle, serre contre lui une petite statuette de la vierge l'implorant de lui venir en aide.
Albéric :
- curé, ch'est pas l' peine de prier, el sainte vierge n'y pourra rien. Aujourd'hui, el' bon dieu, ch'est m'y qui va t' soulager ......
Excédée par ces propos, Ernestine ma grand-mère l'apostrophe :
- ça suffit maintenant, tu soignes le chanoine.
Albéric :
- en plus ch'est un chanoine, une grosse huile du bon dieu. J'veux bien l' soigner mais il devra m' verser la plus grosse quête, ch'el du dimanche d' el fête d' el moisson.
Ernestine, ma grand-mère :
- mais c'est du chantage ....

vendredi 22 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 16

Par ce jeudi ensoleillé, le catéchisme a lieu à l'extérieur, sous les tilleuls. Je m'étais promise de poser une question à l'abbé Bernardo, mais lorsque le prêtre est apparu, nous avons tous remarqué qu'il avait abandonné son chapeau pour un couvre-chef un peu bizarre, une sorte de cube avec au centre un pompon. En outre, il avait sur les épaules une cape fermée par de multiples boutons.
Pour taire notre étonnement, l'abbé nous informe qui'il vient d'être nommé chanoine et arbore ses nouveaux vêtements d'ecclésiastique. Toute l'après-midi fut consacrée aux différentes tenues que l'église offre à ses serviteurs jusqu'au pape, habillé de blanc. Mais il nous rassure : "vous pourrez toujours m'appeler monsieur l'abbé, ou Bernardo ou chanoine".
En Italie, le prêtre est invité à prendre le déjeuner chez l'habitant seulement après les processions, en l'honneur du saint qui protège la bourgade. A Lesdins l'usage veut que le curé, après l'office, soit invité à déjeuner dans une famille de croyant.
L'homme d'église se plie volontiers à cette tradition. Ce dimanche, c'est chez l'ancien premier magistrat qu'il arrive pour partager le repas dominical. Celui-ci l'accueil d'un air jovial :
-  on va fêter votre nomination de chanoine  ... c'est un don du ciel, il fait si beau que nous allons déjeuner dehors.
Le chanoine félicite la maîtresse de maison pour sa jolie table avec au centre un énorme bouquet.
En entendant le ruissellement du cours d'eau qui serpente dans le jardin en fleurs, le chanoine ne peut s'empêcher de faire remarquer à ses hôtes que le paradis doit ressembler à cela.
Comme pour s'excuser la maîtresse de maison interpelle le chanoine :
- j'ai fait simple, il n'y aura qu'un seul plat et des fruits.
Le chanoine
- ce sera très bien.
Lorsque le plat arrive, sa surprise est telle qu'il s'écrie :
- mon dieu ... ! les fameuses spaghettis de Bruccio di la Pasta ..., mon village natal. On y fabrique les plus longues spaghettis d'Italie que les habitants déposent sur des tréteaux pour les sécher par le vent du sud qui s'engouffre dans la rue principale. Toute la bourgade est plongée dans une bonne odeur de pâtisserie. On vient de loin pour acheter les meilleurs pâtes au monde.
Et le chanoine de s'interroger :
- mais comment ces pâtes vous sont parvenues ... ?
Monsieur le maire
- dans ma longue carrière d'élu, lors d'échanges, j'ai eu l'occasion de rencontrer le truculent maire de Bruccio qui ne faisait que vanter la spécialité de sa commune. Je m'en suis souvenu et je l'ai contacté. Il m'a fait parvenir un colis des délicieuses spaghettis que vous raffolez.
Le chanoine a fait honneur au plat, arrosé au chianti bien frais et aussi aux figues rôties flambées au grappa de moséco.
Le chanoine :
" Je me devais de respecter la tradition locale et d'accepter le pousse-café, une vieille gnôle de prune de quarante d'âge. Maintenant j'ai besoin d'une bonne sieste. Monsieur le Maire décide de me raccompagner au presbytère à bord de son tilbury".
Devant la porte de son habitation, le chanoine peine. D'abord il se trompe de clés, en met une autre à l'envers, puis finalement frappe. C'est Fernande sa servante qui vient ouvrir
- mais chanoine, vous êtes "pompette", saoul ...!
- non, non, j'ai juste fait honneur au déjeuner. Dieu me le pardonnera ...
-

mardi 19 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 15

Ce soir avant de m'endormir, je suis surprise de ne pas entendre les choucas. Est-ce le vent qui s'engouffre dans les persiennes qui couvre leurs cris ? Comme tous les enfants du village, j'ai du mal à trouver le sommeil. J'ai hâte de connaître la suite de l'histoire du père Miclou et sa traversée de la forêt des monstrosiaskis.
Au petit matin, la première chose que je fais, c'est de regarder par la fenêtre pour observer les choucas qui protège notre église des chauves-souris. J'ai beau scruter le ciel, je ne vois pas d'oiseaux virevoltant autour du clocher. Juste en face de chez nous il y a l'épicerie de Jeanne. C'est là que Lucette et Gérard me rejoignent pour parcourir ensemble le chemin qui nous mène à l'école. En attendant,  je regarde à travers la vitre les sucres d'orge et les bâtons de réglisse qui nous font tant envie, nous les enfants.
Lucette et Gérard ont remarqué, eux aussi,  que le ciel est vide des oiseaux qui font la fierté de Firmin le sacristain. Sous le préau c'est le silence. Chacun attend avec impatience et anxiété la suite du récit. Le père Miclou commence
 " c'est grâce à Slotti, un bûcheron bienveillant qui nous a guidé pour rejoindre en vie les rives du Danube, nous évitant ainsi de rencontrer les monstres et les esprits maléfiques. Slotti connaît la forêt par coeur. Sur le chemin il m'a montré les arbres à éviter pour la construction navale. Du doigt il me désigne un géant à l'écorce recouverte d'une mousse rosée. C'est là que se nichent les dangereux rouwskis et pour répondre à la petite Léontine, j'affirme que ceux-ci sont déjà au petit Lesdins. D'ailleurs les enfants, vous avez remarqué que les choucas ont quitté le clocher sentant la présence de leur pire ennemi, les rouwskis qui se trouvent le long des berges du canal. Pour en être certain, j'ai passé une journée entière à observer chaque péniche et je me suis aperçu que le gouvernail de certaines embarcations avaient été construites en bois du sapirus polonus le nom scientifique de l'arbre à la mousse rosée. C'est par là que les rouwskis sont arrivés au petit Lesdins. Alors les enfants n'allez plus sur les berges, même pour y pêcher. Vous pourriez être enlevés à vos parents, par ces monstres venus des forêts polonaises ".
Tout le monde de répondre en choeur : "nous n'irons plus, on a trop peur"
Monsieur le Maire glisse à l'oreille du père Miclou.   "Vous y êtes allé un peu fort avec vos monstres. Ils sont terrifiés, mais au moins ils ne sont pas prêts de s'approcher de la voie d'eau.
Moi, Léontine, une question me taraude. Jusqu'à quand les rouwskis resteront au petit Lesdins. Demain Jeudi, jour de catéchisme je poserais la question à l'abbé que tout le monde ici appelle par son prénom, Bernardo.

vendredi 15 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n°14

Cette semaine c'est encore le boiteux qui fait jaser. Après ses frasques au café de la marine, le voilà, au moment de payer la facture que Charlemagne lui présente, qu' il renie sa signature invoquant de multiples prétextes. Le marinier n'est pas homme à se laisser faire et entend bien qu'il respecte les accords conclus. Le ton monte. Il faut dire que le boiteux a déjà quelques verres d'absinthe dans la panse et que les vapeurs d'alcool commencent à lui monter à la tête. Avant que cela ne dégénère, la patronne Ylsa, la suissesse, intervient en criant
-  dehors !.... pas de bagarre ici....
Sur les bords du canal deux attroupements se forment. D'un côté les Lesdinois venus vendre leurs produits maraîchers, de basse-cour ou laitiers, de l'autre la profession des mariniers. Ivre de colère, le boiteux s'empare d'une pelle, la fait tournoyer en menaçant Charlemagne. Ce geste intempestif ajouté aux cris, apeure un des chevaux qui tombe à l'eau avec son chargement. La pauvre bête va se noyer. La confrontation est inévitable. Les mariniers prennent vite le dessus. Le boiteux et ses deux ou trois soutiens vont prendre une bonne dégelée.
En plus d'avoir perdu un cheval et son chargement, couvert de bleus de la tête aux pieds, il s'acquitte de son dû. Quand monsieur Lalou le garde champêtre arrive, tout est rentré dans l'ordre. Le boiteux ne souhaite pas porter plainte pour préserver ses intérêts. Il dit
-  le cheval à l'eau c'était un accident. Pour les nombreuses contusions, je suis tombé d'un tombereau (Mr Lalou n'en croit pas un mot).
Tous les enfants ont été réunis sous le préau. Monsieur le maire prend la parole
-  vous êtes au courant des drames qu'a connus notre commune :  un suicidé, plusieurs noyés dont trois enfants du village voisin, un cheval tombé à l'eau. Les abords du canal sont des plus dangereux. Il ne faut plus s'en approcher. Des esprits maléfiques rôdent. Le père Miclou va vous relater l'histoire qu'il a vécue en traversant la forêt des monstrosiaskis. 

 " Notre bataillon devait rejoindre le Danube, à travers ce grand massif forestier qui couvre le quart de la Pologne dont les arbres sont si hauts et le bois si dur que Christophe Colomb les avait choisis pour construire ses caravelles et partir à l'aventure vers l'Amérique. L'intérieur de cette forêt était inaccessible. Les lianes étaient couvertes d'une substance gluante qu'il ne fallait surtout pas toucher sous peine d'horribles démangeaisons. On progressait le long des cours d'eau et le soir, au bivouac, les ours rôdaient, les loups hurlaient. Ce dont nous avions le plus peur c'était des rouwskis, une sorte de vampire qui chaque nuit faisaient disparaître l'un d'entre nous ".

Sous le préau, dans notre petite tête d'enfant c'était l'effroi. Malgré tout, moi Léontine je me risque à poser une question
-  Père Miclou .... les rouwskis  sont-ils déjà venus jusqu'à Lesdins .....?
-  Je vous raconterais la suite mardi. Aujourd'hui je dois partir à St-Quentin pour fêter la St Joseph, le patron des charpentiers dont je suis le président d'honneur de la confrérie.




mardi 12 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n°13

La triste fin du garde chasse a semé le doute parmi les ménages du grand Lesdins. Autour de la table, dès que l'on aborde le petit Lesdins et sa voie d'eau, tout le monde se chamaille. Le boiteux qui n'était pas à l'enterrement continue à fréquenter, comme ci de rien n'était, le café de la marine et ses poulettes. Actuellement sa préférée c'est Lulu, une blonde pulpeuse aux formes avantageuses. 
Dans l'estaminet enfumé, on fait aussi des affaires. C'est comme ça que le boiteux est devenu marchand de charbon. 
Equipé d'un cheval attelé à un tombereau, il achète aux mariniers puis revend aux particuliers. Plus facile que le bois, le nouveau combustible fait fureur. Cet hiver, la demande est si forte qu'il acquiert de nouveaux chevaux, embauche charretiers et journaliers pour charger et décharger. Les livraisons n'arrêtent pas. Le boiteux est devenu un homme riche. Il gère son entreprise et signe ses contrats au café de la marine où il a sa table réservée.
Ce soir il a le sourire car il vient de signer avec le marinier Charlemagne, un gros contrat d'approvisionnement en charbon. Pour fêter ça il offre une tournée générale et demande aux poulettes de faire le spectacle. Elles créent une ambiance à faire damner tous les saints de la terre. Les nombreux clients en oublient de rentrer chez eux, finissent la nuit à la belle étoile. Au petit matin le garde champêtre n'en revient pas. Il découvre des hommes titubants, ivres par la consommation abusive d'absinthe. 
Pour le boiteux la fête ne durera pas longtemps. Ne pas respecter sa signature va lui coûter cher.
A la mairie, c'est l'inquiétude. Le premier magistrat vient d'apprendre la noyade de trois jeunes enfants du village voisin. Pour éviter un drame semblable et trouver une solution, sur le champ, il décide de réunir autour de son conseil, l'institutrice, le maître d'école, le garde champêtre, le curé, le père Miclou, le sage de la commune admiré par tous depuis qu'ils ont vu Napoléon lui remettre la légion d'honneur au revers de son veston. Il était présent lorsque le bourreau a montré la tête du roi de France au peuple (Louis XVI). Il a participé à deux campagnes napoléoniennes.
Miclou était un surnom dont l'ont affublé ses compagnons charpentiers. Il a fait son apprentissage à Paris chez son oncle, rue de la ferronnerie. Le diplôme en main, les apprentis organisent une grande fête, avec pour les charpentiers, une compétition. Enfoncer jusqu'à la tête, d'un seul coup de marteau, un grand clou de charpente. Quand un apprenti réussit cet exploit, tout le monde reprend en choeur :
   " ... il est des nô...ô...tres ..."
Le petit Michoux, (c'est son vrai nom) n'y parvint pas, même après trois essais. Le clou n'est planté qu' à moitié. Ses compagnons d'apprentissage entonnent 
 -  mi-clou, mi-clou, mi-clou .....  ce surnom lui restera.
A la mairie, après le tour de table, il est décidé que pour dissuader les jeunes enfants de se rendre au petit Lesdins sur le bord du canal, c'est le père Miclou qui a été choisi pour leur raconter, non pas l'histoire de "barbe bleu" ni "la peur du loup garou" mais de leur parler de la forêt des monstrosiaskis (en français la forêt des monstres), qu'il a dû traverser lors d'une campagne napoléonienne.

vendredi 8 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 12

Le vicomte Charles-Edouard Dubois de la Hyère tombe des nues lorsqu'il apprend que l' homme qui s'est suicidé n'est autre que son garde chasse Antonin Lafleur. Il est encore plus surpris de découvrir que celui-ci est un client assidu du café de la marine. Même Hippolyte le cocher du domaine n'était pas au courant. A ses funérailles les langues commencent à se délier.
Antonin avait pris l'habitude de passer à l'estaminet pour recueillir des renseignements avant d'aller faire le guet pour épingler les braconniers, comme il le faisait dans les bistrots du village avant l'arrivée de la suissesse et de ses poulettes. Il finit par s'amouracher de Britta à qui chaque soir il offrait un verre d'absinthe, pour l'entendre lui susurrer des mots doux tout en lui chatouillant le lobe de l'oreille. Il lui arrivait même de revenir dans la nuit pour un deuxième passage, comme envoûté par la belle rousse.
Mais cette nuit là, lorsqu'il aperçoit dans la petite alcôve au fond de la salle Britta assise sur les genoux du boiteux en train de trinquer les yeux dans les yeux, son sang ne fit qu'un tour. Avant de quitter brusquement l'établissement, il cria :
- toi le boiteux t'es un salaud ? ...... et toi la bombasse poil de carotte et d' brun de judas, tu m'as trahi ? ...
Personne ne pensait que le garde chasse Lafleur allait mettre fin à ses jours.
Il était connu pour être un célibataire endurci, un dur à cuire à la couenne épaisse comme on dit au grand Lesdins. L'église était pleine à craquer. Il y avait même Gazon le braconnier le plus réputé qui n'avait jamais été tendre avec Antonin. Dans son homélie, l'abbé mentionne que sous son masque l'homme cachait un grand coeur.
L'affaire du suicide a profondément marqué le village. Dans toutes les demeures le soupçon s'installe, même chez mes parents, lorsque papa rentre un peu tard, maman le presse de questions
- tu n'étais pas au petit Lesdins ?
Agacé il répond
- j'étais chez "mimile" pour ma partie hebdomadaire d'écus avec Hippolyte.










mardi 5 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 11

La mise en eau du canal dura une bonne semaine. Quand le niveau fut suffisant, les écluses furent mises à l'essai. La majorité d'entre nous n'avions jamais vu leur fonctionnement. C'était un spectacle pour beaucoup de Lesdinois.
Le passage de la première péniche, est éminent. Par chance c'est un jeudi, jour sans école. Pas un seul enfant n'est absent. Tirée par un cheval, l'embarcation ridant la surface de l'eau glisse sans un bruit. Elle transporte du bois de charpente pour l'entreprise du père Miclou, charpentier du village, désireux d'être le premier à bénéficier de ce nouveau moyen de transport. Le déchargement a lieu juste avant le souterrain. Par la suite, chaque jour, c'est une cinquantaine de péniches qui passent chargées de charbon, de divers matériaux de construction, de sable, de céréales, etc...
A peine ouvert à la navigation, fleurissent le long des berges des baraquements construits à la hâte par des gens plus ou moins en marge, attirés par la possibilité de petits trafics. Mais déjà le premier bistrot s'installe, bien vite surnommé "le café de la Marine". La tenancière, une suisse, femme à poigne prénommée Ylsa originaire du val-de-Travers, arrivée avec dans ses bagages de quoi déstabiliser le village et ses environs, quatre donzelles à ses côtés comme serveuses, surnommées par les consommateurs "les poulettes d'Ylsa". Elle arrive aussi avec la boisson de sa vallée natale, inconnue chez nous, l'absinthe. Le succès est immédiat. Les mariniers font des haltes de plusieurs jours. Le soir les hommes viennent s'encanailler, les charretiers abandonnent leur bistrot préféré, font un détour chez Ylsa pour se rincer l'oeil et boire une rasade de l'envoûtante boisson vert pastel.
Les autorités commencent à s'inquiéter, en premier lieu l'abbé Gambini, l'instituteur et l'institutrice monsieur Têtu et madame Mercier, monsieur le maire dont le garde champêtre lui remonte chaque jour des informations alarmantes. Bien entendu, dans le village, personne ne fréquente l'établissement du "café de la marine". Pourtant deux drames vont survenir.
Le premier noyé, tombé à l'eau en pleine nuit, sans témoin. Puis le premier suicide. L'homme s'est jeté du haut du souterrain (probablement par dépit amoureux).

vendredi 1 avril 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 10

Le banquet avec l'empereur me laissera un beau souvenir. Seul l'abbé Gambini était un peu morose pour ne pas dire frustré de ne pas avoir béni le canal. Il fait malgré tout bonne figure, néanmoins pour montrer son amertume, chaque fois qu'on lui présente un plateau avec des sablés imprimés en l'honneur de l'empereur, l'abbé d'un air malicieux et à voix haute, pour que tout le monde entende :

- je préfère les boudoirs rosés, ils s'accordent parfaitement avec le champagne !

Quant à la fête sur la place du village, elle a bien vite dégénéré. Les charretiers qui se considèrent comme l'élite des travailleurs agricoles, préfèrent rester entre eux, comme aux champs, pour "rchiner". (partager le casse croûte)
Au retour ils s'arrêtent dans leur bistrot favori. Ils y ont même leur coin de comptoir que personne n'oserait occuper en leur présence.  Au fond de la salle, leurs plombs (jeu d'écus) toujours au sol au cas où ils voudraient engager une partie. Dans la cour de ferme, le premier charretier règne en maître. Il donne les ordres de départ, les pauses gamelles, et passe souvent sa mauvaise humeur sur les journaliers ou manouvriers. Alors quand ceux-ci sont arrivés pour faire la fête sur la place du village, ils ont été accueillis par des quolibets, des moqueries en tout genre, et pour ça la corporation des charretiers ne manque pas de vocabulaire.
Le boiteux qui n'est ni charretier, ni journalier mais toujours prêt à la bagarre, tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, aujourd'hui il a choisi le camp des journaliers venus du petit Lesdins en nombre. Excitées autant par la boisson que par le boiteux qui ne souhaite que ça, les deux parties se font face d'abord  avec des insultes de charretier à l'encontre des journaliers  "tas de merdeux" - "vous êtes des nulles à chier" - avant de se ruer pour engager la confrontation, la réponse des journaliers avec leurs cris préférés "bande de fumier" - "on va vous faire la peau".
Débordés par le nombre, les charretiers ne doivent leur salut qu à l'arrivée du garde champêtre qui renvoie tout le monde dos à dos, les uns accusant les autres d'avoir commencé en premier. C'est la première bagarre entre le petit et le grand Lesdins.
Le lendemain dans les cours de ferme, le travail reprend comme ci de rien n'était. Pour nous les enfants, une seule chose compte, voir passer les premières péniches. Mais avant, la trouée qui coupe le village doit-être mise en eau, et pour cela il faudra compter une bonne semaine.

mardi 29 mars 2016

Roman

Chamaillerie à Lesdins

Episode n° 9

Pendant que les Lesdinois fêtent l'événement sur la place du village, le banquet des officiels se tient sur les hauteurs du Tronquoy, sous une grande tente aménagée pour la circonstance. Assise sur un banc au côté de Pierre-Marie avec entre nous le coussin et le sabre dont nous sommes si fiers (cadeau de l'empereur),  nous observons les officiers avec le bicorne empanaché de plumes d'autruche, la redingote couverte de médailles, le pantalon blanc, le sabre fixé à la ceinture et les fameuses bottes montantes jusqu'aux genoux. Elles sont cirées et lustrées jusqu'à obtenir un brillant où se reflètent les chandelles qui éclairent le buffet. Sur celui-ci, des victuailles à picorer et des fruits à profusion. Des petits sablés imprimés de l'aigle impérial montés en pyramide, une idée du boulanger de Lesdins. Cette attention n'échappe pas à l'empereur qui félicite l'artisan. Il y a aussi pour accompagner le champagne, les biscuits roses de Reims inventés bien avant la révolution. Le champagne a été offert par l'oncle de madame Mercier, notre maîtresse, vigneron renommé pour son savoir-faire dans l'élaboration du fameux breuvage. Il présente à l'empereur le millésime qui sera servi ce soir. Napoléon prend le précieux flacon, se tourne vers Murat
 - A toi le privilège d'ouvrir la première bouteille  . . .
Le jeune maréchal d'empire, plutôt démonstratif ne se fait pas prier, et pour montrer son habileté à manier le sabre, le dégaine de son fourreau, incline la bouteille et avec le tranchant de la lame, fait sauter le haut du goulot. Le verre est brisé net. Murat sert la première coupe à l'empereur.
Ce geste audacieux met Napoléon de bonne humeur. Il ordonne à tous les officiers d'ouvrir les bouteilles avec leur sabre.
Sous la tente c'est un joyeux tintamarre créé par la rencontre de l'acier, du verre et du gaz qui s'échappe des bouteilles. L'empereur lève son verre pour trinquer. Amusé par la situation, sur le champ, il annonce la création de la confrérie des sabreurs de champagne et nomme le maréchal Murat premier grand maître. Désormais dans les banquets d'officiers, les bouteilles seront sabrées.
Dans les jours qui suivent, un décret signé de l'empereur officialise la confrérie. Le premier article : chaque année les promus seront intronisés sur la commune de Lesdins.
L'espace d'un instant, la tête ailleurs, je n'ai pas vu Pierre-Marie s'éclipser. Je me retrouve seule sur le banc. Je le cherche parmi la foule et l'aperçois en train de zigzaguer parmi les convives. En bon chevalier servant, il se présente à moi avec deux coupes remplies de notre boisson préférée, la limonade qui pétille dans la lumière des bougies où les petites bulles brillent avant de disparaître à la surface. C'est notre champagne à nous. Pierre-Marie dans un geste qui lui est propre, me tend une coupe, puis la deuxième et me dit
- je reviens avec des sablés et des biscuits roses  ......
A son retour, comme les grands, nous trinquons.
Quand il me fait des compliments sur ma coiffure et ma jolie robe, la pénombre vient à mon secours. Il n'a pu s'apercevoir que j'avais rougi.
Le vicomte Charles-Edouard souhaite s'attarder avec les officiers dont certains sont des amis d'enfance. Il convie Hippolyte le cocher du château pour raccompagner Pierre-Marie et propose à mes parents de profiter de la calèche pour notre retour.
Hippolyte nous dépose sur le pas de notre porte. Sur la place du village la fête bat son plein. Je peux entendre les charretiers entonner des chansons grivoises. Les esprits sont échauffés par la boisson. J'entend aussi des insultes qui fusent. Pour moi, il est temps d'aller me coucher. De ma chambre je reconnais une voix plus forte que les autres. C'est le boiteux, un bagarreur notoire, toujours prêt à faire le coup de poing.

vendredi 25 mars 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 8

Parmi les personnalités présentes pour l'inauguration, trois ont déjà vu l'empereur. Le vicomte qui durant un temps embrassa la carrière militaire, le père Miclou blessé à la bataille de Marengo  et l'abbé Gambini alors jeune curé d'une paroisse où la grande armée séjourna une semaine pendant la campagne d'Italie. Et je n'oublie pas le sacristain Firmin, qui a déjà vu l'empereur, mais aujourd'hui il est cloué au lit par une forte fièvre. Ma grand-mère qui possède la science des plantes lui a concocté une décoction à base de camomille et de tilleul qu'elle récolte sur les arbres centenaires qui ombragent la place du village. Je sais qu'elle y ajoute de la verveine et du miel des ruches de mon grand-père, le reste, c'est son secret que bien des gens lui envient. Pas de doute avec de tels soins, Firmin sera vite sur pied.
Aucun autre Lesdinois n'a jamais vu l'empereur. Pourtant nous allons tous le reconnaître. C'est le seul qui chevauche un cheval blanc.
En vue du village, Napoléon abandonne sa berline pour faire son entrée à la tête d'un détachement de cavalerie légère. Il est entouré de deux maréchaux, Ney et Murat. Avant d'apercevoir le cortège, c'est le pas des chevaux, le grondement des sabots martelant le sol qui nous alerte. Soudain des cris. Une clameur se lève
- voilà l'empereur  .....
Sur l'estrade, postée à l'entrée du souterrain, l'écho me revient des profondeurs de l'ouvrage. Quand la foule s'écarte, apparaît Napoléon. Son aide de camp l'aide à descendre de sa monture immaculée.
Je suis là avec mon gros bouquet posé sur le coussin. Pierre-Marie, les mains à plat porte le sabre. Entre nous deux, le chef du protocole. L'empereur se dirige vers les officiels, les salue un à un avec un mot, une attention. On le croirait au milieu de ses grognards, un soir de bivouac. Le maire en oublie qu'il avait prévu un bref discours et bredouille quelques mots. Madame Mercier rattrape la situation et fait entonner le chant des enfants à la gloire du grand homme.
Napoléon monte sur l'estrade, en quelques phrases simples explique l'importance du projet qui lui tenait à coeur d'où sa présence aujourd'hui, et s'adresse aux habitants comme à ses proches soldats. 
Il est acclamé. Arrive le moment fatidique. 
Il se tourne vers moi. Je lui tend le bouquet posé sur le coussin, s'en saisit, me remercie et m'embrasse. Pour se libérer les mains, il se tourne vers son aide de camp pour lui remettre les fleurs, mais avant il en arrache plusieurs, les coince dans l'ourlet de son bicorne et me dit que ce sera son porte bonheur.
C'est maintenant au tour de Pierre-Marie. J'observe la scène, les bras tendus, le sabre bien en vue, l'empereur s'adresse directement à lui :
- tu vois, c'est un sabre de hussard, mon préféré.
Il prend l'objet par la garde, se tourne vers la foule, marque un temps d'arrêt pour que personne ne manque l'événement et d'un coup sec, tranche le ruban. A ma surprise il repose le sabre sur mon coussin. Le chef du protocole veut m'en débarrasser, l'empereur l'en dissuade.
- cette petite peut garder le coussin et ce petit gardera le sabre.... c'est un cadeau de l'empereur.
Je suis folle de joie.
Après ce geste, la foule est en délire. Mais il va en faire un autre. Il descend de l'estrade, se dirige vers le père Miclou blessé à Marengo, retire de sa redingote sa légion d'honneur et l'épingle au veston du vieil homme.  A cause des démêlés du pape et de l'empereur lors de son couronnement, le canal n'a pu bénéficier de la protection de dieu comme l'aurait souhaité l'abbé Gambini par une belle bénédiction. Celle-ci a été remplacée par un geste laïque. Les enfants des écoles, à tour de rôle, ont jeté leur bouquet dans la future voie d'eau.
Après la cérémonie, un immense banquet est réservé pour les officiels. Mes parents sont invités. Pierre-Marie et moi sommes les deux seuls enfants. Pour les Lesdinois, la fête se déroulera sur la grande place, face à l'église.

mardi 22 mars 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 7


Avec un gros bouquet de fleurs, moi Léontine 8 ans, j'ai été choisie pour accueillir l'empereur.

Je n'ai que vingt quatre heures pour me préparer. La maîtresse m'autorise à quitter la classe. Je file chez ma grand-mère pour lui annoncer la nouvelle. En plus de son savoir faire pour ses tartes que j'adore, c'est elle qui me confectionne mes plus beaux habits.
- grand-mère, il me faut une jolie robe...  j'ai été désignée pour remettre le bouquet d'inauguration du souterrain à l'empereur, demain à 16 heures.
- tu fais honneur à la famille .... ta robe sera prête même si je dois y passer la nuit.
Elle me prend quelques mesures puis m'intime l'ordre de rentrer chez papa et maman.
A la maison, c'est la surprise. Maman est folle de joie, m'embrasse, me félicite. Papa est plus réservé, mais dans son regard je lis une fierté faite de retenue. Le soir j'ai peine à trouver le sommeil et je m'endors en écoutant les derniers cris des choucas dans le clocher.
Le lendemain chez grand-mère, c'est l'essayage, et comme à chaque fois je suis émerveillée par sa créativité. La robe me va comme un gant. Dans la glace, j'ai l'impression de ressembler à une jeune princesse d'un des tableaux du peintre espagnol Velasquez. Le tissu est à fleurs, la robe est bouffante, cernée de dentelle. Au centre quelques fleurs brodées. Elle a aussi prévu un diadème.
Grand-mère m'accompagne jusqu'à l'école. Mon entrée en classe avec ma tenue de princesse et ma longue chevelure bouclée font de l'effet. J'entends des murmures oh,  joli, ..... chouette ...!. magnifique. J'en ressens une grande fierté, mais vais-je être à la hauteur de l'événement ... ?
Avant notre départ, c'est madame Mercier qui couvre mon diadème avec les plus jolies fleurs, puis nous fait mettre en rang par deux. Chacune d'entre nous tient à la main un petit bouquet. Moi je marche en tête avec le gros bouquet. Sur le chemin nous répétons les chansons apprises la veille en l'honneur du grand homme.
Lorsque nous arrivons au souterrain, il y a déjà beaucoup de monde. Tous les Lesdinois valides sont présents. Je reconnais le père Miclou, charpentier, qui a combattu à la bataille de Marengo. Il y a aussi le curé, l'abbé Gambini, le maire avec tous ses conseillers, toutes les sommités qui ont participé à la conduite des travaux, le châtelain Charles-Edouard Dubois de la Hyère et son fils Pierre-Marie de deux ans mon aîné. Il a été choisi parmi les garçons pour remettre à l'empereur le sabre qui servira à trancher le ruban pour ouvrir symboliquement le passage du souterrain.
Tous les deux, nous sommes invités à monter sur l'estrade, bien en vue, pour que personne ne manque l'événement. Du promontoire, je peux apercevoir les peintres officiels qui prennent des croquis pour immortaliser la scène, comme aime à le faire Napoléon. Il offrira à la commune un des tableaux illustrant la cérémonie. Plus tard, il sera accroché dans la grande salle de la mairie.
Un maître de cérémonie se dirige vers moi avec un énorme coussin, prend mon bouquet et le dépose délicatement dessus, puis mime la scène que je devrais reproduire. Je dois répéter deux à trois fois le geste. Je suis intimidée. Le coussin bourré d'un duvet d'eider est d'une légèreté qui me surprend et me rassure. Ma chorégraphie est parfaite.
C'est maintenant au tour de Pierre-Marie. Le fils du châtelain est habillé comme un prince, vêtu d' une chemise à jabots et de souliers rutilants. Il doit présenter, tournée vers le ciel, la paume de ses mains gantées de blanc pour que l'officier d'ordonnance y pose le sabre. L' exercice est parfait.
Pour tous les deux, malgré notre jeune âge, nous avons conscience que nous nous préparons à vivre un événement inoubliable.

vendredi 18 mars 2016

Roman

Journée de chamaillerie à Lesdins

Episode n° 6


En quelques semaines cet immense bivouac sur les hauteurs du Tronquoy fait de volontaires, de prisonniers et de condamnés de droit commun qui en profitaient la nuit pour faire des incursions dans le village semant crainte et peur, c'est là, la réputation du petit Lesdins faite de trafic, d'arrangements inavouables et même de débauche. Pourtant pendant cette courte période s'installa une prospérité que les plus doués pour le commerce ne manquèrent pas de saisir.

Chaque jour pour nourrir cette population, l'intendant en chef des travaux parcourait le village pour s'approvisionner de fruits, de légumes, de viande de basse-cour et de pain. Cet ainsi que naquit la première boulangerie, le premier commerce dit d'épicerie, le premier boucher. Quant aux bistrots ils étaient là depuis déjà bien longtemps.
Nous sommes en Avril, le percement du souterrain s'achève. La veille, les deux équipes se sont rejointes au centre de l'ouvrage. Le campement va être levé. Seule une équipe restreinte reste pour achever définitivement la voie d'eau.
Par cette belle journée de printemps, notre maîtresse Madame Mercier nous annonce que nous n'aurons pas classe, que nous allons parcourir les chemins, les champs et les bois pour y cueillir les plus beaux spécimens de fleurs sauvages coquelicots, marguerites, bleuets et boutons d'or.
C'est plein d'enthousiasme que la classe se met en route pour accomplir cette tâche. Une halte est prévue à l'ombre, au bois de la Hyère. Ce petit massif forestier porte le nom de son propriétaire, le vicomte Charles Edouard Dubois de la Hyère, châtelain de la commune depuis cinq générations.
A midi, nous avons la surprise d'être attendu par le garde champêtre monsieur Lalou et Victoria la cuisinière des écoles. Sur un grand drap blanc, des terrines, de belles miches de pain, du fromage, des oranges, des tartes. Je reconnais celles de ma grand-mère, Hortensia. Mais pour nous, les enfants, ce qui nous fait saliver le plus c'est la boisson. Aucun d'entre nous n'a encore jamais bu ce rafraîchissement sucré et pétillant, (hormis les enfants du village voisin de Remaucourt), inventé il y a peu par le brasseur de cette commune et baptisé "le glouglou" (la limonade). 
Dans nos petites têtes d'enfant,  nous sommes intrigués par tant d'attention depuis le début de la journée. Il n'y a pas de fêtes populaires, pas de procession, alors pourquoi toutes ces bonnes choses.
De retour en classe avec des brassées de fleurs que nous déposons au pied du bureau de la maîtresse, celle-ci d'une façon solennelle nous annonce que demain 10 Avril 1810 aura lieu l'inauguration du souterrain par l'empereur Napoléon 1er et que notre classe a été choisie pour l'accueillir et lui remettre un énorme bouquet de fleurs.
Une main se lève, question 
- maîtresse qui va remettre le bouquet ?
- l'une d'entre vous, vous allez voter pour choisir. S'il y a égalité, ma voix comptera double pour départager. Inscrivez le nom et prénom de votre choix.
La maîtresse se prépare à annoncer l'heureuse élue. La tension est à son comble. Le silence est pesant.
Madame Mercier fait les comptes. Comme pour prolonger le suspens, elle prend une craie neuve, décide d'inscrire au tableau et commence par le prénom.  C'est celui de Léontine qui sort. Nous sommes deux ... ! La maîtresse se retourne vers nous avant d'écrire le nom. Je n'en peux plus ..... puis c'est mon nom de famille qui s'inscrit. C'est donc moi qui remettrais le bouquet de fleurs à l'empereur.